Christophe Mistou : L’homme qui a adopté Holacracy à grande échelle
Cette phrase de la célèbre écrivaine américaine résume bien le combat des hommes dans notre société actuelle. Christophe Mistou en sait quelque chose. Récemment nommé « Brands & Product Development Director » du groupe de commerce de détail Kingfisher (70 000 personnes), il a fait ses classes à l’enseigne Castorama où il était décrit comme un directeur commercial « ayant développé une stratégie commerciale qui a donné des résultats fantastiques », d’après un communiqué de Euan Sutherland, Chief Operating Officer du groupe. Son succès, il le doit à une vision d’avenir très développée. En effet, il a compris très vite les limites du système actuel et la nécessité d’un changement de mentalité.
« Un pilotage centré sur la réalité »
C’est à travers Holacracy que Christophe Mistou s’est engagé à changer les choses à son échelle. « Pour moi, c’était principalement un nouveau mode de gouvernance dans un environnement de plus en plus complexe », explique-t-il avant d’ajouter qu’avant « les distributeurs avaient des magasins et rien d’autre. Or, tout cela a changé, notre environnement s’est complexifié ». « Il y a douze ans, la direction commerciale comptait 50 personnes, maintenant on en a plus de 300 », note-t-il tout en concédant que « plus le nombre de salariés augmente, plus il est compliqué de conserver la même efficacité ».
« En contribution effective, quand j’embauchais une personne, j’embauchais 0,3 personne alors que j’en payais une en plus » affirme Christophe Mistou. Regrettant de ne plus voir la trajectoire, le directeur commercial a souhaité une cassure afin d’optimiser le temps de travail de ces collaborateurs. C’est alors qu’après avoir lu des choses sur Holacracy, il a tout de suite accroché à ce modèle révolutionnaire. « Holacracy redonnait des responsabilités pour chacun des individus. Il mettait à jour tous les dysfonctionnements, il évacuait toutes les dissensions émotionnelles », s’est-il réjouit vantant « un pilotage qui, au quotidien, était très centré sur la réalité. »
Pas moins de 350 personnes ont adopté Holacracy
Chez Castorama, Christophe Mistou a fait une formation avec Brian Robertson à Paris, début 2011 avant de travailler avec un coach certifié en Holacracy de la société IGI Partners. « C’est avec cet échelon que j’ai rencontré Bernard Marie Chiquet et que j’ai assez vite adhéré », se souvient-il tout en ajoutant que « cela me semblait correspondre aux besoins qui étaient les miens ». Holacracy a été mis en place au sein d’une partie de Castorama de mars à juillet 2011 avec l’aide de Bernard Marie Chiquet qui facilitait et coachait les cercles. Et les bénéfices s’accumulaient : « Holacracy évacue l’aspect politique dans une organisation. C’est beaucoup plus simple et cela met au jour celles et ceux qui sont au niveau ou pas. C’est un modèle très pragmatique. »
Christophe Mistou n’hésite pas à raconter une anecdote savoureuse qui reflète parfaitement le pouvoir de Holacracy. « Je me souviens d’une visite d’un magasin avec un membre du Board de Kingfisher. Devant la salle de bain, ce dernier me dit ‘le plan de travail ne convient pas avec la couleur du meuble’. Et je lui ai répondu : ‘je n’en sais rien, ce n’est pas ma compétence’. Ça l’a totalement désarçonné. Mais je pense effectivement que nous ne pouvons avoir des avis compétents sur tous les sujets », affirme-t-il. Holacracy, ce serait donc « réduire et supprimer cette hiérarchie verticale ». « On l’a alors pratiqué avec 350 personnes », affirme-t-il avant d’avouer que c’est « au moment où j’ai souhaité convaincre le comité de direction que les choses se sont compliquées. »
Un projet enterré car trop « intéressant »
« Au départ, tous étaient sceptiques, y compris dans mes équipes », explique-t-il avant de conter : « mais une fois qu’on a tout fait fonctionner, l’organisation est devenue extrêmement agile et réactive. Les collaborateurs ont compris qu’il n’y avait pas de problèmes de personnes mais que des trous dans la raquette ». Même si cela a été difficile de le mettre en place avec 350 personnes en moins de 6 mois, il constate aujourd’hui « qu’un certain nombre de choses sont restées ». Malgré ces effets positifs, développer sur 1200 salariés ce que nous avons expérimenté à 350 est un risque que le comité de direction n’a pas souhaité prendre.
« La difficulté principale est qu’il est difficile pour un patron d’abandonner une part de décision, les patrons voulant souvent tout contrôler. C’est pourquoi nous avons été contraints d’arrêter. Cela leur faisait peur. Notre expérience pouvait leur faire perdre leur pouvoir. Pourtant, elle permet surtout d’être plus efficace avec moins d’effectif. C’est un cercle vertueux », estime-t-il non sans ambition.
« Holacracy viendra des petites entreprises »
Mais ce visionnaire continue de croire en l’avenir de Holacracy. « C’est quelque chose qui viendra des petites entreprises » parie-t-il sans désespérer car « elles sont confrontées au quotidien ». Et vous entendrez encore parler de Christophe Mistou à l’avenir. « J’encouragerai les gens à passer cette étape. Trop d’embauches concernent des chefs de projet pour faire fonctionner nos organisations complexes. Ça n’a plus de sens vu le coût du travail », estime-t-il avant de raconter : « j’espère qu’un jour King Fisher pourra goûter à Holacracy. C’est aussi une histoire de génération. Certains peuvent avoir du mal à se remettre en cause mais les choses changent. Cette année, Amazon était l’enseigne préférée des Français. »
Avec vingt ans de distribution à son compteur, Christophe Mistou ne regrette en aucun cas d’avoir pris ce risque. Et pour cause, l’avenir pourrait lui donner raison. Après tout, l’écrivain français Jean Anglade ne disait-il pas « les meilleures choses ont besoin de patience « ?
Interview de Christophe Mistou dans Com en son :
Propos tenus par Christophe Mistou, Directeur, et recueillis par Anthony Poix, journaliste
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