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26/11/2024

Inconvénients de l’Holacratie

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L’holacratie suscite de la curiosité, elle questionne, choque parfois sur certains aspects, elle inspire la critique ou au contraire, attire, un peu trop quelquefois… mais une chose est sûre : elle ne laisse pas indifférent.

Comme tout projet d’innovation majeure, l’holacratie étant une disruption managériale, il y a les pionniers qui l’adoptent de suite et foncent parce que c’est ce qu’ils attendaient depuis toujours et il y a les réfractaires, qui n’iront que lorsqu’ils n’auront plus le choix.

Même si toutes les critiques de l’holacratie ne sont pas fondées et sont souvent énoncées par des personnes qui ne l’ont pas vraiment expérimentée ou qui la comparent à l’entreprise libérée par exemple, il est nécessaire de ne pas tomber dans l’utopie, l’outil miracle ; et de prendre un peu de recul sur les inconvénients ou limites liées à l’adoption de l’holacratie.

Après plus de 14 années de pratique et plus de 140 entreprises accompagnées, Bernard Marie Chiquet fait le point et livre ici les inconvénients majeurs de l’holacratie.

Inconvenients Holacratie #1 : Beaucoup de changement d’habitudes

Ce premier inconvénient n’est pas lié à l’holacratie en tant que telle (voir définition de l’holacratie) mais plutôt à la façon de l’adopter dans les entreprises, l’outil holacratie n’étant en aucun cas une méthode de conduite du changement.

Adopter l’holacratie, c’est tout d’abord ratifier la constitution, c’est-à-dire que celles et ceux qui ont le pouvoir de gouverner l’entreprise décident de changer la structure de pouvoir pour passer à un management avec des règles du jeu explicites (la constitution). Cet acte symbolique et disruptif nécessite un accompagnement en amont : une mise en mouvement de la direction et du management pour qu’ils comprennent l’outil et voient s’il correspond aux enjeux de l’entreprise, une concertation des collaborateurs et une décision d’y aller ou non, de la part de la direction. 

De nombreuses personnes remettent en cause cette étape clé de signature de la constitution, estimant qu’elle n’est pas nécessaire ou qu’elle pourra être faite plus tard, une fois que les personnes seront plus à l’aise avec le changement. Pourtant, changer la structure de pouvoir est le préalable de toute intention de transformation.

Ce point de départ ne suffit pas pour autant car le chemin est long pour arriver à une transformation complète dans les faits… Ce système requiert de nombreux changements d’habitudes et ce, pour tout le monde : direction, management, collaborateurs. Même si l’holacratie est disruptive, le changement de comportement, lui, ne peut être qu’incrémental et s’il est mal accompagné, l’adoption ne pourra pas se faire dans la durée.

Voici quelques exemples de changements induits par l’holacratie :

  •  Utiliser les noms des rôles

Dans une entreprise classique, il est rare d’interpeller quelqu’un par son prénom en y ajoutant son titre : “Bonjour Michel, j’aimerais m’entretenir avec toi en tant que Directeur du site”. Ça n’aurait pas de sens car la personne n’a qu’un titre ou une fonction et en plus, ce titre ne signifie pas forcément grand chose sur ce que fait réellement cette personne et ses zones de responsabilités.

En holacratie, le travail n’est plus défini par le titre ou un statut, mais par la notion de rôle, unité de base, et chaque rôle est décrit selon 3 éléments précis, dont l’offre de service, c’est-à-dire la proposition de valeur de ce rôle vis-à-vis de ses clients, internes ou externes. Une personne pouvant gérer plusieurs rôles, il est crucial de mettre de la clarté sur le rôle auquel je m’adresse pour une demande précise et d’en vérifier la définition en amont, pour m’appuyer sur la bonne offre de service.

  •  Clarifier le « nous » et le « on« 

Puisqu’une attente implicite n’a plus aucun poids, les autorités en jeu sont régulièrement clarifiées. Ainsi, dès qu’une décision/action est à prendre, la question qui se pose est “quel rôle a l’autorité pour prendre telle décision/action ?”. “Nous” et “on” implique une confusion sur qui fait quoi, ce qui est justement le sujet de la gouvernance en holacratie.

  •  Avant de faire : est-ce que mon rôle est concerné ?

Souvent, le premier réflexe quand quelqu’un me demande quelque chose, c’est de répondre : “oui ok, je te le fais, pas de souci”. C’est un très mauvais réflexe en holacratie. Pourquoi ? Parce qu’en acceptant de prendre en charge quelque chose, sans vérifier si mon rôle est concerné, j’empêche l’organisation de grandir. Regarder ses rôles et vérifier que l’offre de service correspond avant de dire “oui” permet d’avoir une relation client-fournisseur saine qui correspond à la réalité, et si ça ne l’est pas, de le clarifier en gouvernance. Ainsi, le jour où quelqu’un d’autre dans l’entreprise prend le rôle, il n’y aura aucun loupé.

Diapo : "Est-ce de mon ressort ?"

Pour changer d’habitudes, on peut également utiliser les « nudges« , l’holacratie en déborde ! Ce sont des petits outils/automatisme d’aide au changement.

Inconvénient holacratie #2 : L’holacratie est trop rigide et peu humaine

L’holacratie est souvent perçue comme étant trop rigide ou peu humaine, allant à l’encontre du bien-être au travail. C’est sans doute la principale critique en France. Cela vient du fait que les personnes confondent l’holacratie avec un outil miracle clé en main, alors que c’est « juste » un modèle de pouvoir constituant, une méta-constitution.

De ce fait, l’holacratie ne traite pas des sujets sociaux comme les relations humaines dans l’entreprise, les conflits, la RH, les besoins sociaux, système de récompense, etc. et c’est normal, puisqu’il s’agit d’un corpus de règles explicites et non d’une méthode d’accompagnement au changement « clé en main« .

Ce corpus, la constitution, est la même pour toutes les entreprises et ce à l’échelle globale. Elle ne peut donc pas intégrer toutes les spécificités de chaque entreprise : les contraintes juridiques, les valeurs de chaque entreprise, les fonctions RH, les activités opérationnelles, les attendus du management, ou encore la culture. Ces points sont pourtant essentiels à prendre en compte dans la transformation de l’entreprise. C’est pourquoi, l’institut iGi a co-créé avec ses clients, de nombreuses méthodes et outils pour combler ces angles morts. L’holacratie ne traite en fait que du dénominateur commun à chaque entreprise : la structure de pouvoir (et c’est déjà énorme !).

Un autre point énoncé lorsque l’on parle de rigidité, c’est le processus de gouvernance, qui est centré sur l’évolution de la structure de l’organisation. Dans les premières réunions, il y a ce sentiment de frustration lié au processus et au fait que le Facilitateur coupe les interactions hors processus. Au fil du temps, le processus devient naturel et fluide pour tous. Cependant, certaines personnes qui ont l’habitude de faciliter des personnes, autour de processus d’intelligence collective, ne se sentent pas à l’aise dans ce nouveau rôle et peuvent donc critiquer le processus, jugé trop centré sur la productivité. Oui, ce processus spécifique qui se déroule une fois par mois voire trimestre n’est pas humain mais il n’est pas inhumain pour autant, il s’agit juste d’une réunion qui traite de l’organisation et non des personnes qui la compose. L’holacratie amène cette dissociation, salutaire à la fois pour l’organisation et les êtres humains qui la composent. Il y a des espaces pour tout.

Inconvénient holacratie #3 : L’holacratie n’a plus de management ou de hiérarchie

Maintenant que l’on responsabilise chaque collaborateur dans ses rôles, il serait légitime de penser que le management n’est plus nécessaire et que le manager pourrait être supprimé (comme l’a fait Zappos) mais c’est une erreur. En effet, certaines fonctions managériales, incarnées par le manager dans une organisation hiérarchique, restent nécessaires.

Avec l’holacratie, le manager perd le pouvoir qu’il exerçait sur les personnes, il n’a plus d’ascendant hiérarchique sur les salariés, il ne peut plus dire à ses collaborateurs quoi faire, ceux-ci ayant toute autorité dans leurs rôles. En revanche, il garde certaines fonctions de management essentielles pour aller vers le self-management, explicitées dans la constitution de l’holacratie, par le biais du rôle de leader de cercle notamment.

L’une des compétences clés d’un manager est cette capacité à ressentir les besoins de l’organisation et de les traiter. L’organisation en a besoin, holacratie ou non. Ce qui change avec l’holacratie, c’est la façon de le faire, la posture. Il doit à la fois être un leader créateur de valeurs, centré business et à la fois un créateur de leaders en prenant soin de ses collaborateurs pour les accompagner au mieux vers leur autonomie. Avec du recul, l’holacratie nécessite beaucoup plus d’excellence managériale pour permettre d’aller vers le self-management.

En holacratie, le rôle de manager n’étant plus un job à temps plein, un leader de cercle possède également plusieurs rôles opérationnels, qui lui permettent d’exprimer son expertise métier. Ce schéma management+expertise est impossible dans les entreprises hiérarchiques puisque ceux qui montent en management regrettent souvent leur expertise passée et passent leur temps à gérer les salariés.

Attention, la hiérarchie inhérente au lien de subordination existe toujours du fait du contrat de travail. Il devient possible de circonscrire ce lien de subordination pour le différencier du travail opérationnel, mais il n’est pas possible de le supprimer à contrat de travail constant.

Inconvénient holacratie #4 : L’holacratie est trop complexe, risque de bureaucratie

L’holacratie permet d’appréhender le management / pouvoir constituant, matière complexe, de façon simplifiée, à travers des règles du jeu qui se sont enrichies et donc complexifiées avec le temps.

Lorsqu’un dirigeant souhaite changer les choses dans une entreprise hiérarchique face à un environnement de plus en plus complexe, il n’a pas forcément d’outil pour appréhender cette complexité. Il fait donc appel à un cabinet de conseil externe qui va faire un plan de restructuration de l’entreprise sur 3 ans, plan devenu obsolète même avant qu’il ne soit effectif, parce que le monde aura changé. En holacratie, les micro-restructurations sont permanentes, c’est le rôle de la réunion de gouvernance. C’est très simple de faire évoluer l’organisation. Pourquoi ? Parce qu’on a cette notion de rôle, qui est le pilier central et qui permet de passer de la notion de “pouvoir sur” à celle d’ “autorité au service de” et éviter les effets toxiques des pré-carrés. Tout est centré sur la création de valeurs.

Ce n’est donc pas l’holacratie qui est complexe mais bien le management. L’outil holacratie vient aider et simplifier le management.

Une des critiques qui revient souvent est aussi ce risque de bureaucratie : “si je veux faire évoluer mon rôle, je dois attendre la réunion de gouvernance et passer par tout le processus”. Oui, ça peut paraître long pour des petites évolutions (encore qu’il y a le processus de gouvernance asynchrone en dehors des réunions) mais auparavant, en tant que collaborateur, si vous souhaitiez changer les choses, c’était encore plus bureaucratique : il vous fallait en parler à votre manager, le convaincre et attendre qu’il ait le temps pour s’en occuper si ça lui parlait, quand lui-même n’avait pas à en parler à son manager. En holacratie, chacun a le pouvoir de changer les choses et ce de façon rapide et fiable, par le biais du processus de gouvernance.

Malheureusement, beaucoup sont dans l’incompréhension de ce qu’est réellement l’holacratie, une méta-constitution. Du coup, certains décident de simplifier le travail en prenant seulement des “bouts” de la constitution holacratie ou bien en accompagnant avec un système “modulaire”, petit bout par petit bout sur de longues années. Vous trouverez de nombreuses “approches” comme celles-ci : gouvernance partagée, gouvernance alternative, gouvernance organique…

Ils passent tous à côté de la puissance d’un pouvoir constituant explicite et au service du vivant.

Inconvénient holacratie #5 : Voyage long de plusieurs années

Dernier inconvénient identifié : l’holacratie n’est pas une méthode que l’on met en place sur quelques mois et c’est fini. C’est un voyage long de plusieurs années et le travail ne se fait pas tout seul.

Pour être sûr que ce voyage en vaille la peine, il est essentiel que le/la dirigeant(e) ait une vraie raison, une obsession pour y aller. Grâce à cela, il y aura suffisamment d’énergie pour tenir dans la durée et ce sera impossible pour lui/elle de revenir en arrière. On a eu des expériences d’entreprises qui voulaient mettre en place l’holacratie parce que l’outil est très séduisant ou qu’elles rêvaient d’être une entreprise libérée, mais ça ne peut pas tenir dans la durée si ce n’est pas raccroché à des enjeux business, tellement le changement est énorme. Il faut pouvoir se rattacher à une raison alignée avec les vrais enjeux de l’entreprise.

La mise en place de l’holacratie se déroule en plusieurs étapes, étalées sur plusieurs années :

  1. Préparation au lancement : de la mise en mouvement au lancement 
  2. Débuts de la pratique : choc de la mécanique
  3. Pratique complète : powershift vers le self-management
  4. Pratique à maturité : self-management mature, les rôles sont tous centrés sur la création de valeurs
Courbe d'apprentissage Holacracy

L’accompagnement sur les premières étapes est essentiel. Bernard Marie Chiquet parle de 10 ans de voyage pour une transformation complète en self-management.

Conclusion

L’holacratie n’est pas la panacée, elle comporte des avantages mais aussi des inconvénients et des limites. Par dessus tout, elle ne se suffit pas à elle-même pour transformer une entreprise et nécessite une gestion de la conduite du changement sérieuse. Nova Consul expérimente depuis plus de 14 années de pratiques et plus 140 entreprises accompagnées pour trouver les méthodes et outils les plus efficaces dans l’adoption et la mise en place de l’holacratie, l’important étant d’avoir un vrai enjeu de l’entreprise pour y aller (voir les exemples d’entreprises qui ont mis en place l’holacratie).

Auteur

Louis CHIQUET

Fondateur de Nova Consul, certifié Master Coach en Holacracy® (plus jeune au monde, et seul francophone), certificateur de coachs depuis 2022, il a repris les travaux de son ancien mentor, Bernard Marie CHIQUET, sur le Management Constitutionnel® .

Son sens du business et son expérience dans +80 entreprises de 2 à 800 000 personnes lui permettent d’accompagner avec tact dirigeants, managers et collaborateurs vers l’excellence managériale et le self-management.

Intervenant à HEG Genève (Haute Ecole de Gestion), il se perfectionne continuellement auprès d’organismes tels que HEC, Onopia, AFNOR pour apporter toujours plus d’expertise et de transformation au sein des entreprises qu’il accompagne.

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