Holacratie est un outil devenu populaire en moins de 15 ans et il y a souvent des incompréhensions sur ce que c’est. Il n’est pas rare d’entendre des jugements un peu hâtifs du type : “ce n’est pas humain”, “c’est rigide”… Mais sont-ils fondés ?
Holacratie n’est qu’un outil
La plupart des gens projettent sur l’holacratie que c’est un outil miracle. Ce fantasme naît souvent lors de sa découverte car il est tellement novateur et disruptif dans son approche du management que l’on souhaiterait qu’il traite tous les maux organisationnels. Et pourtant, tout comme un marteau, c’est un outil qui peut être façonné selon l’usage : clouer au mur une belle toile de maître ou frapper son voisin. Toute la question est d’apprendre à s’en servir, ce qui réside dans la mise en place de l’holacratie.L’holacratie peut donc autant servir l’humain, que le desservir, c’est l’usage que chaque entreprise en fait qui déterminera cela. L’outil, quant à lui, est neutre et n’adresse pas l’humain.
Le paradoxe
L’holacratie n’est certes qu’un outil et pourtant, il a pour ambition fondamentale de créer des contextes favorables à l’épanouissement ou l’empuissancement des êtres humains. C’est-à-dire reconnaître l’être humain dans sa capacité à être créateur, à être souverain. Quel paradoxe !
Avant que l’institut iGi n’existe tel qu’il est aujourd’hui, Bernard Marie CHIQUET travaillait seul et avait une activité de thérapeute, médiateur et coach. Au fur et à mesure de ces accompagnements, il s’est rendu compte que, chaque fois, le même scénario se reproduisait : la personne, sortie du contexte organisationnel, prend du recul, fait des prises de conscience et souhaite mettre en place des actions qui, appliquées dans l’organisation ne fonctionnent pas. La raison est simple : la structure de l’entreprise est très puissante et elle agit alors comme un anti-corps face à une nouveauté que la personne souhaite injecter. Même le PDG, pourtant en haut de l’organigramme, n’arrive pas à changer les choses et se retrouve toujours confronté à cette structure/culture de l’organisation, bien plus forte que sa propre volonté.
Pour changer les choses dans l’entreprise, il est nécessaire de réinventer la nature et l’exercice du pouvoir en distribuant les autorités via rôles, et en clarifiant les autorisations, protection, règles de coopération, accords relationnels et rituels vivants (réunions) ET de rendre explicite le code ADN de l’organisation, qui s’adapte aussi vite que le changement, avec des rôles rendus transparents sur un logiciel.
Sous-jacent à tout cela : la croyance que l’on peut faire confiance à l’Homme, il a un potentiel en devenir qui ne se limite pas à ce qu’il montre.
L’environnement va avoir un impact : en changeant l’environnement, la personne change ses comportements.
C’est le grand paradoxe de l’holacratie : il y a une perception / image de holacratie qui repousse et qui fait dire qu’elle ne traite pas de / ne laisse pas de place à l’humain et pourtant, ça traite de l’environnement, du contexte qui va pouvoir adresser l’humain.
Comment comprendre ce paradoxe ?
L’holacratie est un outil 100% humaniste mais l’image perçue est différente pour plusieurs raisons :
- Le biais du mal vécu du cadre
- Les incompréhensions sur ce qu’est réellement holacratie
- L’utilisation de holacratie demande un travail préalable d’encodage de l’humain
- On va bien plus loin, plus profond en matière d’humain grâce au cadre qui libère et responsabilise
Le biais du mal vécu du cadre
Certains mal vécus rendent l’être humain, en tout cas en France, très peu réceptif au cadre. Cette fuite du cadre “à tout prix”, perçu comme castrateur de l’humain par certains, les fait mettre le balancier de l’autre côté : tout doit être centré sur l’humain, le collectif, le “nous”. C’est ce que proposent les approches comme la sociocratie, la gouvernance partagée, etc. Il y a une fusion entre l’organisation, la structure et le collectif “NOUS”.
Pour autant, il manque une dimension essentielle pour réussir la transformation profonde de l’organisation, celle de la personne morale, l’organisation vue comme un organisme vivant, mue par l’énergie créatrice de sa raison d’être, en symbiose avec la personne source.
Dans la représentation systémique de l’organisation aux 6 territoires, on distingue trois grands espaces : individuel, collectif et entreprise. Chaque espace a une partie visible (comportements, relations ou structure de l’organisation) et une partie invisible (ressentis, croyances ou potentiel créateur de valeurs). Dans cette représentation, l’holacratie se situe au niveau de l’entreprise, dans la partie visible. Ce n’est donc qu’un morceau du puzzle et il est essentiel de s’intéresser à l’ensemble des 6 territoires pour réussir une transformation mais oublier cette dimension organisationnelle sans apporter une structure de pouvoir très cadrée, non contraignante, est voué à l’échec. En ajoutant un cadre en plus de l’humain en tant qu’individu et collectif, on adresse l’ensemble de l’organisation systémique. C’est le cadre qui libère.
Les incompréhensions sur ce qu’est réellement holacratie
Encore une fois, holacratie n’est pas un outil miracle, ni une méthode pour conduire le changement. Ce n’est pas une méthode de transformation, c’est “juste” un modèle de pouvoir constituant, une nouvelle matière pas connue qui définit le management du self-management. L’ambition est d’inspirer / construire des fondations saines dans la structure du pouvoir.
L’essence de l’holacratie, sa raison d’être, est d’être un méta-modèle issu du vivant, applicable à toute organisation, quelle que soit sa forme, sa taille et son activité. La méta-constitution a été créée en distillant les pratiques de Ternary Software de sorte que ce soit réplicable pour toute entreprise.
On ne peut donc pas intégrer au sein de la constitution des choses qui varient d’une entreprise à une autre : les relations humaines, le business, les besoins sociaux (dépend de la culture), etc. Ce sont pourtant des moteurs essentiels dans une entreprise !
L’holacratie n’est donc pas utilisable en l’état car pas suffisante pour adresser tous les enjeux de l’entreprise. Elle ne traite pas du système individuel, ni du système collectif mais son existence change la donne. Elle rend compte d’un espace vivant et non humain qu’est celui de l’entreprise. Ce n’est pas inhumain, ce n’est juste pas à propos de l’humain.
L’utilisation de holacratie demande un travail préalable d’encodage de l’humain
Puisque le sujet de l’humain n’est volontairement pas traité par l’holacratie, tout comme celui du business, il est nécessaire de l’intégrer avant de mettre en place l’outil.
C’est ce que nous faisons lors de la phase “Encodage” de notre accompagnement : intégrer les activités liées au business et à la RH, indispensables pour manifester la raison d’être de l’entreprise.
En terme de RH, nous encodons tout : les besoins sociaux, processus RH, espaces de médiation, coaching, ressentis, gestion du changement, management, hiérarchie (rôle d’employeur, de hiérarque, de chef de projet, de leader de cercle, etc.).
On va bien plus loin, plus profond en matière d’humain grâce au cadre qui libère et responsabilise
Holacratie ne traite pas de l’humain et pour autant, les mécanismes proposés sont bien plus au service de l’humain que n’importe quelle hiérarchie. Chaque collaborateur est affecté à des rôles, explicites et transparents, qui lui confère une autorité et le dote de 7 super-pouvoirs :
- Passer d’un “pouvoir sur” à une “autorité au service de”
- L’art du triage, outil d’altéro-centrage
- Le pouvoir de gouverner, à tous les niveaux
- Tout est autorisé… sauf ce qui est explicitement interdit
- Agir selon son interprétation
- Les attentes implicites n’ont aucun poids
- Initiative individuelle
On crée ainsi – comme le permaculteur – un terrain favorable au développement de personnes souveraines, centrées sur leurs zones de talents, créatrice de valeurs.
Attention aux DIYers
On comprendra aisément maintenant que mettre en place l’holacratie sans être plus informé ne peut pas marcher. C’est d’ailleurs ce que l’on a pu observer avec les DIYers (Do It Yourselfers) ces dernières années. Une mauvaise utilisation de l’outil entraîne des incompréhensions et de fausses croyances.
Mettre en place l’holacratie sans encoder l’humain au démarrage, c’est là le vrai risque et ça nécessite un accompagnement de personnes compétentes sur la transformation d’entreprises.En réalité, avec une bonne mise en place, il n’y a rien de plus humain que l’holacratie !
Conclusion
L’accès à ce niveau plus profond de l’humain est rendu possible grâce à holacratie, même si vous l’aurez compris, l’holacratie ne couvre qu’un bout du puzzle. C’est la pièce manquante pour faire un vrai shift au niveau de la dimension humaine.
C’est un cadre – pas à propos d’humain – mais qui en fait ne sert qu’à aller plus profond et dépasser ces croyances limitantes à propos du cadre qui serait nécessairement contraignant.
Il est temps pour l’humain de se réconcilier avec le cadre, de s’ouvrir à la vie plus large que cette obsession à tout tourner autour de l’humain.
C’est grâce au fait que je m’ouvre sur le vivant qui n’est pas que l’humain, que je vais encore mieux traiter l’humain et aller plus profond encore.
Il faut donc un autre mot que “holacratie” pour désigner l’ensemble de cette démarche vers plus d’humain (et plus de performance business). C’est l’objet du management constitutionnel.